Collections en ligne
Arsenal de Brest (1860-1914)
L'arsenal photographié, un atelier dédié :
L’implantation de l’arsenal a été largement déterminée par le site géographique de Brest : une vaste rade, un goulet aisément défendable et de fortes dénivellations de part et d’autre de la Penfeld. Complexe industriel de première importance, l’arsenal se déploie pour les besoins de son activité sur plusieurs sites afin de pourvoir à la construction, à l’entretien et à la réparation des navires de guerre. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, il se modernise considérablement pour répondre aux nouvelles exigences de la flotte. En effet, à la suite des enseignements de la guerre de Crimée (1853-1856), la Marine s’engage dans trois innovations technologiques majeures : la propulsion à vapeur, l’obus explosif et la construction métallique. Ces mutations techniques imposent aux arsenaux d’entreprendre d’importantes transformations de leurs infrastructures : creusement de nouveaux bassins et agrandissement des anciens, création d’ateliers d’ajustage, de forges ou de fonderies.
À Brest, la modernisation de l’arsenal coïncide avec la création en 1860 d’un atelier photographique dont la fonction première est de documenter l’avancée des travaux. Dépendant des Constructions navales, ce petit atelier composé de deux personnes fournit des clichés qui seront notamment envoyés au ministre de la Marine à Paris afin qu’il puisse voir, comme dans un miroir, les mutations à l’oeuvre dans le plus important port militaire de France.
Endogène à l’arsenal, cette production photographique – conservée par le musée national de la Marine – est remarquable tant par son iconographie que par son état de conservation. Les auteurs anonymes de ces clichés ont tiré parti de l’architecture austère de l’arsenal pour construire des images d’une grande rigueur formelle.
Au-delà de la seule charge nostalgique d’un urbanisme industriel disparu, les photographies exposées ont été choisies pour leurs qualités esthétiques. Elles permettent de comprendre le maillage territorial de l’arsenal, son organisation spatiale et son emprise intra et extra muros.
Atelier photographique de l'arsenal de Brest, Grue du viaduc, 1894, épreuve sur papier albuminé, © Musée national de la Marine/A.Fux
Territoires de l'arsenal :
En un siècle d’industrialisation intense, la photographie semble offrir une représentation conforme à la réalité et elle est considérée, sous le Second Empire, comme le meilleur moyen d’enregistrer fidèlement les bouleversements intervenus dans les transports ou dans l’aménagement urbain. Ville-usine, l’arsenal de Brest occupe un territoire considérable avec la Penfeld comme centre de gravité. Les terrains appartenant à la Marine couvrent une vaste étendue géographique débordant la ville vers l’anse Saupin et Kerhuon. La topographie variée et l’architecture du port militaire offrent aux photographes de l’arsenal un sujet remarquable, de sorte que le bâti industriel occupe une place prépondérante dans le corpus : vues d’architecture, aménagements des bassins ou encore l’exceptionnel Pont Impérial photographié dès la mise en route de l’atelier photographique.
Sensibles aux lieux et à l’activité de l’arsenal, les opérateurs de l’atelier ont tiré profit du site militaire en utilisant les dénivelés pour produire des vues grandioses et parfaitement construites. Il se dégage de l’ensemble des images un réel talent, une compréhension tout à la fois du médium photographique et de l’architecture. Il est surprenant pour le spectateur contemporain de constater que l’arsenal, tel qu’il apparaît à travers les photographies conservées, est un lieu dépeuplé, ou plus précisément privé de l’effervescence de l’activité humaine. Certes, la fermeture du bagne en 1858 a réduit la population locale. Mais près de 8 000 ouvriers, marins et agents administratifs continuent à travailler dans l’enceinte de l’arsenal. Plus sûrement que des problèmes techniques liés au temps de pose, une raison principale explique une telle absence : le ministre de la Marine, l’amiral Ferdinand Hamelin, recommande de veiller à ce que la photographie soit utilisée seulement pour reproduire les objets relatifs à la Marine. L’architecture domine les images produites. La séquence de trois vues de l’incendie du 7 novembre 1861 constitue ainsi une rareté. Il s’agit du seul événement photographié.
En outre, la richesse de ce corpus photographique dédié à l'arsenal de Brest est constitué par une importante collection de négatifs sur verre. Alors que les épreuves sur papiers albuminé permettent de comprendre l’implantation des infrastructures de l’arsenal, les navires militaires sont le sujet principal des négatifs sur plaque de verre. L’atelier photographique semble avoir privilégié deux formats - le 18 x 24 cm et le 24 x 30 cm -, mais les plaques de 30 X 40 cm qui offrent une excellente définition dans les détails ont également été utilisées et sont conservées par le musée. Dans la gélatine, les négatifs portent, gravées ou inscrites à l’encre de Chine, diverses informations comme le nom, la date précise, le numéro attribué par l’atelier photographique du musée, ainsi qu’un ou deux numéros donnés par les Constructions navales à des époques successives.
Cette exposition virtuelle est inspirée par l'exposition Arsenal de Brest, Photographies & Territoires, 1860-1914, qui s'est tenue au château de Brest du 31 mai au 12 novembre 2013 dans le cadre de l’événement "Il était une fois l'arsenal".
À lire, L’arsenal de Brest, la mémoire enfouie. Photographies 1860-1914, catalogue de l’exposition Musée national de la Marine/ Éditions Filigranes/ DMPA, 2013.
Angelina Meslem