Collections en ligne
Les génies de la mer
La sculpture navale en France
1650-1850
À partir d’une sélection d’œuvres puisées dans les collections du Musée national de la Marine, la présente exposition virtuelle met en lumière le développement de la sculpture navale en France de 1650 à 1850, deux siècles au cours desquels tous les navires de guerre furent parés d’ornements sculptés, et rend compte des différentes étapes qui marquent le processus de création dans les ateliers de sculpture des arsenaux.
Transposant de simples dessins préparatoires, s’aidant éventuellement de modèles tridimensionnels, l’artiste réalise des décors fastueux comme ceux des canots d’apparat ou des galères royales de Louis XIV, dont les 15 éléments provenant de la Réale de France (1694) sont un témoignage unique.
Sur les vaisseaux, les ornements sculptés, tout aussi exubérants à la fin du xviie siècle, s’appauvrissent au fil des ans, par nécessité et par goût : le tableau arrière tend à disparaître, les figures de poupe se font moins colossales, tandis que la figure de proue devient buste. Les rondes-bosses sculptées dans les dernières années de la marine en bois, après 1830, n’en demeurent pas moins des œuvres remarquables, monumentales, à l’image des navires auxquels elles étaient destinées.
Buirette Claude (c. 1639-1694), Ornements de poupe et de proue du Victorieux, 1691, dessins à l'encre noire, lavis gris, lavis jaune © Musee national de la Marine/P.Dantec
LES DÉCORS DE CANOTS D’APPARAT
L’usage des canots d’apparat remonte au XVIIe siècle, lorsque les familles royales participaient aux fêtes nautiques données sur la Seine à Paris, puis sur le Grand Canal de Versailles. Par la suite, de telles embarcations furent réservées aux différents chefs d’État pour leur permettre d’effectuer des visites ou des inspections dans les grands ports militaires.
Les canots de prestige étaient magnifiquement décorés de sculptures peintes ou dorées, souvent inspirées du répertoire mythologique et du bestiaire marin. Ces sculptures ornaient non seulement les superstructures, mais aussi tous les éléments propres à la navigation – gouvernails, barres franches et avirons.
Deux Angelots chevauchant des chevaux marins ont été prélevés sur le canot de Napoléon Ier, construit en 1810, seule embarcation de ce type encore conservée dans son intégrité. Des éléments isolés nous sont parvenus en plus grand nombre, tels les grands Chevaux marins qui ornaient la poupe d’un canot royal entre 1830 et 1848. L’Aigle impérial, un de ceux dont était décorée la chaloupe de la frégate La Belle Poule, constitue un rare exemple de sculpture ornementale réalisée pour une circonstance unique, celle du retour en France des cendres de l’empereur Napoléon, en 1840.
LA RÉALE DE FRANCE, 1694
En 1662, au tout début de son règne, Louis XIV crée le Corps des galères, qui subsistera jusqu’en 1748. Cette flotte royale se compose de bâtiments hors norme dont la particularité est de voguer aussi bien à la voile qu’à la rame. À sa tête se trouve la Réale de France, galère « extraordinaire » commandée par le général des galères qui se distingue par des dimensions presque exagérées et une décoration somptueuse, à la hauteur des aspirations monarchiques. Couvertes de sculptures ostentatoires, ruisselantes d’or, les galères dissimulent des bagnes flottants qui exhalent en permanence des relents de misère.
À l’arsenal de Marseille, dessinateurs et sculpteurs rivalisent d’imagination et de talent pour parer de sculptures allégoriques la poupe des neuf réales qui y sont successivement construites de 1662 à 1748.
Les éléments décoratifs présentés ici sont ceux de la Réale de 1694. Ils forment un ensemble historié, dédié à la gloire du Roi-Soleil, centré autour du personnage mythologique d’Apollon, dieu du jour qui règne sur les mois et les saisons. La métaphore est soutenue par le concert des Renommées et des Tritons, figures emblématiques du répertoire maritime. Symboles de la splendeur du règne de Louis XIV, ces sculptures sont ainsi les témoins silencieux de la souffrance de milliers d’hommes.
Ornements de la Réale, vue de 3/4, scénographie actuelle dans les collections permanentes et Triton soufflant dans une conque, Ornements de la Réale, attribué à François CARAVAQUE 1694, Marseille, © Musee national de la Marine/L.S Jaulmes
LES PROJETS DE FIGURES
Pour réaliser les décors destinés à orner le navire en construction, le sculpteur dispose de dessins préparatoires relativement succincts : un simple profil de la figure de proue, ainsi qu’une vue d’ensemble de la poupe et des bouteilles. Aussi l’artiste a-t-il souvent recours à un modèle réduit qui restitue les trois dimensions de l’objet à sculpter et en facilite l’exécution. Ces maquettes peuvent être en bois, en terre, plus fréquemment en cire modelée, et constituent des œuvres à part entière dont l’élégance et la finesse sont parfois supérieures à celles du dessin préparatoire, voire de la sculpture achevée.
Les figures en cire, dont les plus anciennes sont datées des années 1750, offrent un témoignage exceptionnel de l’art particulier de la céroplastie appliqué à la sculpture navale. Malgré leur extrême fragilité, ces rares projets ont résisté au temps, alors même que les figures de proue auxquelles ils ont servi de modèles ont disparu à jamais.
Composition de projets de figures de proue en cire,© Musee national de la Marine/P.Dantec
Expositions : Les génies de la mer. Chefs-d'oeuvre de la sculpture navale du musée national de la Marine, musée national des Beaux-Arts du Québec, Canada puis au musée national de la Marine à Paris en 2003, et enfin 2005, Les génies de la mer : Masterpieces of French Naval Sculpture, National Maritime Museum, Sydney, Australie.
À lire : Les génies de la mer, Chefs-d'oeuvre de la sculpture du musée national de la Marine, musée du Québec/MnM/ biblitothèque national du Canada, 2001
Marjolaine Mourot












































































